Alors que les processus contrôlant l'érosion et les transferts de sédiment sont intensément débattus, il est toujours difficile d'obtenir des archives qui permettraient d'accéder aux flux sédimentaires terrigènes passés, particulièrement au cours du quaternaire où les variations du niveau marin ont eu un profond impact sur les enregistrements sédimentaires.

Cette étude se focalise sur le système sédimentaire du Var (SE de la France), où l'absence de plateau continental au niveau de la marge nord-Ligure a permis une alimentation continue en sédiment par le fleuve Var du système turbiditique profond, sans qu'elle ne soit affectée par les variations du niveau marin. Par ailleurs, les courants hyperpycnaux, déclenchés lors des crues du Var, semblent jouer un rôle majeur dans cette alimentation et ainsi, permettent d'établir un lien étroit entre les flux sédimentaires du Var et les dépôts turbiditiques.

Nous proposons ici une approche inédite, alliant une étude sédimentologique et géochimique (incluant le traçage des sources sédimentaires par l'isotopie du Nd) des dépôts turbiditiques profonds du système sédimentaire Var du dernier cycle glaciaire (0 - 75 ka), et dont la datation a été établie avec une précision inférieure au millier d'année. Ces dernières ont permis de retracer des changements dans l'aire d'alimentation des sédiments et dans le comportement hydro-sédimentaire du fleuve Var. Ces changements semblent être la conséquence directe de la glaciation/déglaciation du bassin versant et des cyclicités climatiques rapides de Dansgaard-Oeschger. Ces résultats sont corroborés par ceux obtenus par la modélisation des flux sédimentaires du fleuve Var, établie à partir du modèle Hydrotrend (Syvitskiet al., 1997, Comput. Geosci.).

A l'échelle du dernier cycle glaciaire, les flux sédimentaires sont contrôlés par la présence, ou l'absence, de glaciers dans le bassin versant qui fournissent de grande quantité de sédiments au système. A l'échelle plus fine des cycles de Dansgaard-Oeschger, pendant la dernière période glaciaire, le comportement hydro-sédimentaire du fleuve montre des changements importants qui se traduisent par une augmentation de l'activité hyperpycnal du fleuve pendant les stades froids et secs et par une diminution pendant les interstades chauds et humides.

Cette étude met en avant l'intérêt que revêtent les systèmes sédimentaires « rapides » pour l'étude de l'impact des climats sur l'érosion et les transferts de sédiments. Par ailleurs, elle montre le potentiel que peuvent avoir les dépôts turbiditiques en tant qu'archive, à haute résolution, des flux sédimentaires, dès lors que plus de deux tiers des fleuves peuvent produire des courants hyperpycnaux (Mulder & Syvitski, 1995, J.Geol.).