Evolution du d11B de l'océan : Apports du d11B des dents et des os des vertébrés marins
Aurélien Bernard  1@  , Thomas Tütken  2  , Frank Wombacher  3  , Alexander Heuser  4  , Franziska Stamm  4  
1 : Laboratoire de Planétologie et Géodynamique -UMR CNRS 6112  (LPG)
Université de Nantes, CNRS : UMR6112
2 : Institut für Geowissenschaften, Johannes-Gutenberg-Universität Mainz
3 : Institut für Geologie und Mineralogie, Universität zu Köln
4 : Steinmann Institut für Geologie, Mineralogie und Paläontologie, Universität Bonn

Depuis une trentaine d'années, la composition isotopique du bore dans les carbonates biogéniques est utilisée pour reconstituer les variations du pH de l'océan au cours du temps. Cette approche est basée sur la relation entre d11B des carbonates et d11B et pH de l'eau de mer. Sur de courtes périodes, les variations du d11B des carbonates sont essentiellement dues à des variations du pH de l'eau de mer, le temps de résidence du bore dans l'océan étant de 20Ma. Cependant, sur de plus grandes échelles, le manque de contraintes sur l'évolution du d11B de l'océan au cours du Phanérozoïque limite fortement la précision des reconstitutions de paléo-pH. Différents travaux de modélisation du cycle du bore dans l'océan ont suggéré la possibilité de variations importantes du d11B de l'eau de mer, de l'ordre de 5-10 par rapport à l'actuel. Récemment, Paris et al. (2010) ont montré que la composition isotopique de l'océan pouvait être enregistrée dans les évaporites, et l'analyse d'échantillons du Miocène et de l'Eocène a permis de mettre en évidence une variation de 8 du d11B de l'océan au cours des derniers 40Ma.

L'analyse du d11B des dents et/ou des os de vertébrés marins pourrait fournir une autre méthode pour reconstituer les variations du d11B de l'océan. En effet, le pH de leurs fluides corporels est un paramètre très contrôlé (ex: 7,2-7.4 chez les mammifères). Il est donc probable que le d11B enregistré dans les dents et les os soit uniquement fonction du d11B des fluides corporels, et par extension de celui de l'eau de mer. Cependant, les dents et les os de vertébrés sont constitués d'apatite (Ca10(PO4)6(OH,F)2), et pas de carbonates, et à l'exception de l'analyse d'apatites synthétiques par Lécuyer et al. (2002), aucune étude n'a été réalisée sur le d11B de l'apatite.

Une première exploration du d11B des bioapatites a été entamée avec l'analyse de la composition isotopique du bore dans une vingtaine d'échantillons d'os, d'émail et de dentine de mammifères et de poissons. Après dissolution de 10-100 mg d'apatite correspondant à ~100 ng de bore, deux étapes de chromatographie sur colonne permettent d'éliminer les cations à l'aide d'une résine cationique, puis de séparer le bore grâce à une résine spécifique. Les échantillons sont ensuite analysés par MC-ICP-MS avec une reproductibilité de ±0,3.

Les premiers résultats montrent une forte variabilité du d11B chez les vertébrés terrestres avec des valeurs allant de -10 jusqu'à +30, alors que la gamme de valeur chez les espèces marines est beaucoup plus réduite. Les valeurs obtenues suggèrent que le bore est essentiellement incorporé sous forme B(OH)4- plutôt que B(OH)3, l'écart de d11B entre vertébrés marins (0-10) et invertébrés (15-30) étant probablement en partie dû à la différence de pH lors de la minéralisation.

Pour finir, 3 dents de requins datant du Miocène et de l'Oligocène, ont également été analysées. L'écart de l'ordre de 9-10 entre les valeurs des requins actuels et Oligocène est similaire à la différence de 8 observées par Paris et al. (2010) dans les évaporites sur la même période.


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